25 Mai 2016
Ouvrons maintenant le second album, plus élégant, un peu rétro, avec sa solide reliure de toile crème, ses titres dorés, incrustés, à la façon des livres de prix de nos mères (ou de nos grands-pères). Son format 21 x 31 cm permet de bien montrer les images si on le lit à haute voix.
L'illustration elle aussi a un caractère rétro, témoin la couverture: deux chevaliers, bardés de fer, chevaux carapaçonnés et oriflammes au vent, au pied d'un château vertigineusement perché sur fond de soleil couchant et premier plan de hiboux.
Nous entrons dans "C'ERA UNA VOLTA, due volte chissà...". Est-ce bien nécessaire de traduire? - "Il était une fois, peut-être même bien deux..." L'intérieur est richement illustré, une illustration pleine page et une petite image pour chaque double page. Et de beaux grands caractères élégants et bien lisibles pour le texte. Attrayant, pour de jeunes lecteurs pas encore très débrouillés, entre 7 et 10 ans. Mais on peut commencer à les raconter aux 5-6 ans.
Stano DUSIK et Maja DUSIKOVA se sont partagé les huit contes. Tous deux sont slovaques.
Lui a ce style un peu gothique, sombre, qui va très bien avec Barbablù (La Barbe Bleue), mais qui sait se faire plus souriant, voire humoristique, pour Il gatto con gli stivali (Le Chat Botté), Rosabianca e Rosarossa (Blanche-rose et Rose-Rouge) ou Pierino e il Lupo (Pierre et le Loup). En 1993, d'ailleurs,ces planches de Stano Dusik illustraient déjà une édition française de Barbe Bleue. Vous voyez ici le début du conte :"C'era una volta un nobiluomo molto ricco, molto brutto e con molta barba blu, molto blu. Tutti lo chiamavano Barbablù. Viveva in un elegantissimo palazzo, solo, molto solo. Vicino a lui abitava una nobildama con due figlie giovani e belle, molto belle." ("Il était une fois un noble seigneur très riche, très laid et très barbu, une barbe bleue, très bleue. On l'appelait La Barbe Bleue. Il vivait dans un palais très élégant, seul, très seul.Près de chez lui habitait une noble dame avec deux filles jeunes et belles, très belles")
Maja Dusikova,elle, a choisi d'illustrer Le principesse ballerine (Le bal des douze princesses), Il pifferaio di Hamelin (Le joueur de flûte de Hamelin), La guardiana delle oche (La petite gardeuse d'oies) et La Sirenetta (la Petite sirène). Ce sont des aquarelles, plus légères, plus enjouées, toujours "traditionnelles".
Nous sommes donc pleinement dans un ouvrage "classique", comme le sont les contes qui le constituent. N'est-ce donc simplement qu'un livre de contes parmi tant d'autres?
Vous vous doutez bien que ma réponse sera : "non! ". Car vous avez peut-être été alerté/es, vous aussi, par le titre, et son appendice :" ...une fois, peut-être même bien deux..." . N'est-ce pas un peu irrévérencieux vis-à-vis de ces classiques si classiques? Et c'est là qu'on retrouve la patte de Giusi QUARENGHI, son talent de narratrice, son écriture liée à la lecture à haute voix.
D'abord, chaque conte est présenté au lecteur par cinq vers où elle donne, comme un clin d'oeil, son avis personnel.
Ecoutez, par exemple, Le Chat Botté:
" Questa è la mia fiaba preferita - Voici le conte que je préfère
mi rasserena quando sono inviperita - quand je suis furieuse il me tempère
mi piace perchè è allegra e impertinente - j'aime son allégresse et son impertinence
è il portafortuna di chi non ha niente - à qui n'a rien il porte chance
ogni volta mi mette le ali, - il me met des ailes aux pieds
è IL GATTO CON GLI STIVALI " - c'est bien lui, c'est Le Chat Botté "
Ou encore La Petite Sirène:
Questa fiaba viene dal mare - Voici un conte venant de la mer
ma è così triste che mi fa arrabbiare - mais si triste que j'en suis colère
l'ha scritta un tipo strano - son auteur est un type pas marrant
che si chiamava Giovanni Cristiano - qui se prénommait Hans Christian
racconta la sorte maledetta - il conte la vie toute de peine
di un pesce ragazza - d'un poisson fille
LA SIRENETTA - La Petite Sirène
Traditionnellement, c'était plutôt une morale en rimes qui concluait le conte, voyez chez Perrault par exemple. Ici, c'est une façon d'établir un contact avec le jeune lecteur, ou d'ouvrir une possibilité de dialogue si c'est un adulte qui lit.
Les huit contes sélectionnés, nous les connaissons tous par coeur, depuis notre enfance, quelle que soit notre langue. Ils ont, ici, un rythme enlevé, dans une langue contemporaine, mais qui respecte les conventions du conte, avec ses unités qui se répètent, l'utilisation des temps du passé, y compris le fameux passé simple, le "passato remoto", ce passé lointain souvent oublié, sinon rejeté aujourd'hui. Vous avez eu un tout petit exemple avec le début de Barbablù.
Tous les huit contes sont à la hauteur. Mettez ce livre dans votre bibliothèque, vous y reviendrez inlassablement avec grand plaisir.
C'ERA UNA VOLTA, due volte chissà.......
fiabe classiche narrate da Giusi QUARENGHI.
iIllustrations de Stano DUSIK et Maja DUSIKOVA
Franco Cosimo Panini Editore, 2005 136 pages 22€,50
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