10 Septembre 2014
Ayant choisi le "livre de rentrée" à vous présenter, voilà que je m'aperçois que, déjà le 9 septembre 2013, c'était une histoire illustrée par Gianni DE CONNO, venant après un autre de ses livres. Et Bruno TOGNOLINI, vous le connaissez aussi depuis un moment, c'était en octobre 2011, puis en décembre de la même année..
Ne craignez pourtant pas de vous ennuyer, cet album est un tout autre univers.
ATTACCHINO, ainsi s'appelle un colleur d'affiche en italien (prononcer "kino"). Le nôtre s'appelle Piero, et COLLA de nom de famille - il colle, comme vous le devinez. Il est le maître de ce geste impressionnant qui permet de plaquer sur un mur immense un morceau de papier non moins immense, sans un pli, et avec raccords invisibles.
Il est aussi le père d'un jeune Giovanni de onze ans qui, le matin même, a quitté la maison en ne laissant qu'un petit mot sur la table "BASTA", "ça sufit". Le père sait de quoi son fils a assez, d'une vie monotone, souvent solitaire, qu'il aurait voulu rendre poétique en élevant deux pigeons. Mais les parents ont dit "non!", une fois de plus "non". Et Giovanni est parti au petit matin.
Une fugue qui se prolonge même quand la nuit tombe sur la grande ville, et le père se demande ce qu'il pourrait bien faire pour aider son enfant à rentrer à la maison. La nuit porte conseil et le lendemain, il mobilise deux autres collègues, et tous trois s'affairent sur les murs de la ville pendant un jour et une nuit, collant encore et encore des morceaux de leurs grandes affiches publicitaires.
Lorsque Giovanni s'éveille, tout enkylosé, il ne comprend pas tout de suite ce qui se passe dans la ville.Le rythme des rues semble ralenti, tout le monde marche le nez en l'air, les voitures ralentissent pour voir, et il découvre lui-même que les murs sont couverts de fascinantes "fresques" de collages de morceaux d'affiches,
Rien que des images, aucune inscription publicitaire, un monde surréaliste fait de morceaux de ses rêves à lui, au milieu desquels il se retrouve. Tout en avançant le long et "dans" ces images, il suit des rues qui le ramènent... devant chez lui. Et là, le pigeonnier qu'il voit posé sur le balcon n'est pas un dessin, mais bien une vraie petite maison où sont en train de s'installer...deux pigeons, des vrais.
"E allora, Giovanni rientrò".
J'aurais pu vous la raconter de façon beaucoup plus sèche, comme le fait Bruno Tognolini lui-même dans une quatrième de couverture-bis qu'il propose sur son blog :
" Un colleur d'affiche, pour retrouver et ramener à la maison son fils qui fait une fugue, transfigure la ville, change son visage. Et il le fait non pas en introduisant de nouveaux éléments étrangers, mais en démontant et re-combinant, grâce à sa maîtrise età son art, les matériaux qui constituent son décor urbain traditionnel.
N'est-ce pas ce que devrait faire chaque parent avec la réalité? Avec le monde humain qu'il doit confier à ses enfants? Pas un monde trop réel, tel quel et rien d'autre; pas un monde trop féérique, qui n'existera jamais: mais un monde différent et possible, une réalité réélaborée selon ses rêves, en démontant avec les outils de la critique et en remontant avec ceux de l'utopie la ville telle qu'elle est donnée, la vie comme elle est. Refaite à neuf avec ses propres morceaux."
Mais, il le dit lui-même, c'est un peu sec.
Alors que notre histoire n'est en rien sèche, elle est de la plume de Tognolini, et la musicalité est là, le rythme du récit qui n'a pas forcément besoin du vers et de la rime pour naître.
C'est pourquoi cet album se prête bien à une lecture partagée à voix haute, aidée par le grand format de l'album ( 25 sur 32,5 cm) et par les étonnantes illustrations de Gianni De Conno.
Le réalisme rêveur de De Conno dialogue particulièrement bien avec ce texte. La puissance évocatrice de ces images sur les murs, détournées de leur fonction première de pousse-à-acheter est exactement celle des images crées par l'illustrateur. Cette première collaboration entre les deux artistes, voulue par Tognolini et acceptée par De Conno, et par l'éditeur Gallucci, a produit un nouveau grand album, qui me semble mettre cette nouvelle année scolaire sous un signe stimulant.
E si vous maîtrisez la langue italienne (quoi, vous n'avez encore pas commencé à prendre des cours?), ne vous privez pas du plaisir de vous faire raconter par Tognolini sur son blog l'histoire de cette histoire, j'étais tentée de dire l'odyssée de cette histoire, et toutes ses réflexions sur l'écriture et sur la collaboration entre l'auteur et l'illustrateur.
EXCELLENTE LECTURE!
ATTACCHINO, texte de Bruno TOGNOLINI, dessins de Gianni DE CONNO -
GALLUCCI editore, collection Gallerìa - Public: tous âges - 44 pages. Novembre 2013. 22€.
MERCI A DONATA M., FLORENTINE, POUR LA PHOTO DE FOND
PRISE DEPUIS LA COLLINE DE FIESOLE.
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