6 Janvier 2018
Pour fêter LA BEFANA en ce 6 janvier 2018, je vous propose la lectures d'un petit roman historique de 92 pages que nous proposent les éditions Coccole Books.
Son auteur: Anselmo ROVEDA. (pour les nouveaux, et les autres aussi d'ailleurs, tapez ce nom dans la fenêtre "Recherche" tout en haut à droite de l'écran, vous aurez les liens sur toutes les lectures de lui faites sur Lectures Italiennes).
Son titre: Gastaldo.
Est-ce Gastaldo, le gamin batailleur qui fonce vers nous sur la couverture, devant une armée de... le premier mot qui m'est venu était "lansquenets" - lanzichenecchi" (prononcer "la-ntsikenekki") et la lecture m'a donné raison - ?
Oui et non.
Non, car Gastaldo n'est pas du tout un va-t-en-guerre.
Oui, car il est en mission au milieu de la guerre.
Mais reprenons par le début: Gastaldo vit dans le nord de ce qui n'est pas encore l'Italie, au beau milieu de ce que les historiens appellent "les guerres d'Italie" - si l'on veut des précisions, on les a, le roman se passe de 1518 à 1525 -
Il a 6 ou 7 ans quand une attaque de soldats mercenaires dans son village le laisse orphelin. Il est recueilli par Mastro Claudio, un forgeron devenu armurier, passionné par son métier, et qui en secret travaille à la réalisation d'une arquebuse.
Il chargera Gastaldo devenu adolescent d'aller porter son invention au très célèbre chef de mercenaires Giovanni Delle Bande Nere - Jean des Bandes Noires -. Les péripéties de cet aventureux voyage le mèneront à participer, à son corps défendant, et du côté des Espagnols de Charles Quint, à la fameuse bataille de Pavie des 23 et 24 février 1525, où fut fait prisonnier le roi de France François Ier. Ne croyez pas que je sois experte en histoire, j'ai trouvé toutes ces informations dans les 10 pages d' "approfondimenti e curiosità" de la fin du livre.
- Mais enfin, me direz-vous, est-ce bien pertinent de proposer un livre de guerres et d'armes pour cette fête de l'Epiphanie, en cette période que l'on aimerait d'échanges de douceurs?
- Douceurs souhaitées, certes. Mais les nouvelles du monde...? Mais la commémoration, le 7 janvier, de l'attentat à Charlie Hebdo?
Et puis surtout: Gastaldo n'est pas qu' une histoire de guerre. C'est l'enfance et l'adolescence d'un garçon plongé sans l'avoir choisi dans un pays parcouru de long en large par des bandes armées, mais qui trouve aussi dans sa nouvelle vie quotidienne des trésors de bonté et d'intelligence.
On aime ce Mastro Claudio, sévère au grand coeur, et artisan passionné et passionnant.
On aime Sara, la gouvernante qui mène la maison après le décès de la mère de famille, Sara qui organise la vie quotidienne en y faisant participer tous les enfants, Sara qui comprend la douleur muette de Gastaldo (Aldo, comme elle l'appelle vite) et sait l'apaiser d'un geste discret.
Sara qui accomplit "une magie": une fois par semaine, et c'est un très grand secret qui doit le rester, elle sort "un livre sacré" et lit aux enfants émerveillés " la vie de Jésus et les histoires des prophètes". Et c'est une double magie, car non seulement c'est une femme quisait lire, chose inouïe, mais elle parle aussi français. Le lecteur adulte pensera aux protestants vaudois.
Gastaldo n'est pas qu'une histoire de guerre car l'auteur, à son habitude, recrée la vie quotidienne de ses héros, les maisons, le mobilier, la nourriture, les plantes, les bruits, les odeurs. Les paysages. Les mots échangés.
Il nous fait partager l'évolution de Gastaldo, son émancipation progressive quand il commence à voyager pour livrer les réalisations de son patron, que son territoire géographique s'élargit, qu'il rencontre, en particulier, une troupe de quatre saltimbanques, dont "Miriam la danzatrice", qui n'a "même pas une demi-douzaine d'années de plus que lui". Miriam qui fait partie de ses rêves de futur, une fois la bataille finie: "rencontrer Miriam et voir la mer".
Et enfin les six pages qui racontent la bataille de Pavie vécue par Gastaldo sont dignes d'un bon film historique, et viennent mettre le mot "fin" au suspens créé par la dangereuse misssion confiée à notre héros.
- Tout cela est bel et bon, mais l'Arioste?
- L'Arioste, au moment de la bataille de Pavie, a 51 ans, il vit à la cour de Ferrare, à environ 200 km de Pavie. Lui qui a tant chanté les chevaliers, les batailles au corps à corps, les duels, la hardiesse, il se rend bien compte que l'arrivée des armes à feu change complètement la donne et les valeurs dans les batailles.
Et il a des vers pour le dire, dans le Roland Furieux, au chant IX, que Anselmo Roveda met en exergue de son roman historique: le boulet de canon est ce qui "arde, abatte, apre e fracassa" - brûle, abat, ouvre, fracasse" tout ce qu'il touche. Roland, parmi ses aventures, vole au secours d'Olimpia, contesse de Hollande, dans un épisode très complexe dont l'arquebuse est l'instrument. Roland le trouve diabolique, et avant de reparir sur les traces d'Angélique, il fait jeter à la mer, là où elle est le plus profonde, ce "maledetto, abominoso ordigno," - "cet engin maudit, abominable", sorti des mains de Belzébuth. Et au chant XI, l'Arioste raconte comment, quelques siècles plus tard - son siècle à lui, celui des "guerres d'Italie" - les armes à feu ressurgissent et sèment la désolation de par le monde.Et il les invective pendant deux huitains véhéments. (Dessin véhément, lui aussi, de Grazia Nidasio, dans l'édition dont nous parlions)
Gastaldo ne sait pas qu'il vient de vivre une bataille historique. Ses lecteurs, jeunes et moins jeunes (l'éditeur préconise "de 9 à 11 ans", puis "de 12 à 99 ans...) le comprennent fort bien.
GASTALDO de Anselmo ROVEDA
Coccole Books edizioni sept. 2017
92 pages 9,90 € ISBN 9788898346776
Cette BEFANA est l'oeuvre de Antonietta MANCA . Merci à elle!
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