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LES CLASSIQUES - 1 -1: L'ARIOSTE ET LE ROLAND FURIEUX, trois auteurs et deux illustratrices

1 - Ludovico ARIOSTO et Italo CALVINO
illustrés par
Grazia NIDASIO
LES CLASSIQUES - 1 -1: L'ARIOSTE ET LE ROLAND FURIEUX, trois auteurs et deux illustratrices

                  L'Orlando Furioso de Ludovico  ARIOSTO est le prototype même du "classique". Les lycéens italiens l'étudient dans ce qui équivaut à notre classe de Première. Le souvenir qui leur en reste, d'après des témoignages recueillis il y a peu, est souvent bien vague...

Des vers entiers de l'Arioste sont passés dans le domaine public, récupérés même parfois par la publicité: "  Le donne, i cavalier, l'arme, gli amori"....... - " Je chante les dames, les chevaliers, les armes, les amours"... Ou encore d'autres qui sont devenus des quasi-proverbes: "Oh gran bontà dei cavalieri antiqui" ( "ô l'admirable loyauté des chevaliers de jadis!") - ou bien:  "ecco il giudicio uman come spesso erra". ( "et voilà comme le jugement humain est sujet à l'erreur")..Les prénoms des héros, au delà du paladin Roland devenu fou furieux, et des autres, repris des chansons de geste, comme Renaud, sont devenus célèbres, à commencer par Angélique et  Médor, Rodomont,  Bradamante et Roger, Astolphe et son hippogriffe....

Et, au fil des siècles, il a suscité des tableaux, des opéras, des pièces de théâtre - comment oublier la mise en scène de Luca RONCONI en 1976, que l'on a pu voir en France aussi, au Théâtre de Nations en 1970?

Oui, mais encore? Peut-on entrer dans un poème épique du XVIième siècle, avec ses 46 chants et ses 38.736 vers (à en croire Wikipédia...) comme dans un roman d'aventures?

Et pourtant, quelle aventure! Quel monde où se croisent les chevauchées des paladins des deux camps à la poursuite de la belle Angélique,princesse chinoise (duCathay), à travers de vastes forêts, qui peuvent cacher des châteaux enchantés comme des cabanes de bergers; mais aussi des océans peuplés de monstres marins prêts à dévorer les belles jeunes filles qui lui sont sacrifiées; et puis l'incroyable voyage de l'anglais Astolphe sur la Lune pour récupérer la raison perdue de Roland; et puis les guerres entre les armées de Charlemagne et celles des Sarrasins...et puis les duels .. et puis...Il faut un guide pour ne pas se décourager, et pour éviter de réduire le poème génial de l'Arioste à un patchwork d'épisodes.

Et, ce guide, nous l'avons. Nous l'avons en italien, depuis 1970, grâce à la clairvoyance de l'éditeur Giulio EINAUDI qui, dans l'introduction à " Orlando furioso di Ludovico Ariosoto raccontato da Italo Calvino con una scelta del poema", pose très bien le problème:" (nous voulons suivre la route) de la rencontre du classique et de l'imagination contemporaine, non pas à travers le commentaire d'un critique, mais à travers le récit d'un auteur d'aujourd'hui.". Il définit également le public auquel s'adresse son initiative, "... surtout (les) jeunes, pour leur grand appétit de  voyages de reconnaissance (dans la littérature), parallèlement et bien au-delà de l'école".

Et nous l'avons en français depuis 1982. Un classique au carré, toujours réédité aujourd'hui.

 

 

                   Italo CALVINO  nous fait d'abord une introduction,  historique  et littéraire, claire et complète, lisible par la plupart, d'une trentaine de pages. On la lira avant le poème, ou bien après, ou pas du tout, selon son degré d'inquiétude intellectuelle ou sa soif d'aventures.

Puis il nous raconte le poème, en le divisant en chapitres auxquels il donne des titres, pour nous aider à nous y retrouver (Angélique poursuivie... L'île d'Alcine... Le palais enchanté... Duel triple à Lampedusa...). Il a fait un choix dans le foisonnement des chants et des "ottave rime", les "huitains" qui constituent le poème.Il raconte ce qui se passe entre chaque épisode, et il explicite ce que disent les vers ensuite cités. Il excelle à partager son admiration pour le poète et son immense plaisir de lecteur. Pendant les 350 pages environ que dure l'aventure, vous ne l'abandonnez pas d'une semelle. Il a d'ailleurs appelé le poème "un grande affresco western"....

                Il faudrait encore dire la particularité des vers de l'Arioste, cette construction savante et légère à la fois en groupes de huit vers, qui tisse le récit de façon dynamique. Et leur grande musicalité et leur "souplesse", qu'aucune traduction, je crois, ne rendra vraiment. C'est pourquoi il est essentiel que Calvino, après le récit explicatif, nous fasse entrer directement dans le poème. Et là, les non italianistes sont un peu pénalisés...Un peu seulement.

 

              Sans doute, tout ce que je viens de vous exposer là, une  bonne partie d'entre vous le sait déjà fort bien. Les différentes éditions de la lecture par Calvino du Roland Furieux de l'Arioste sont sans doute présentes dans de nombreuses bibliothèques... souvent d'adultes.

Mais voilà qu'en 2009, les éditions Mondadori transforment le "classique au carré" en un "classique au cube", en demandant à l'illustratrice que vous connaissez bien maintenant (voir le 16 décembre 2016), Grazia NIDASIO, de raconter par son trait à la fois le poème et le récit qu'en fait Calvino. Et le texte  révèle toute sa pétillance! Sa lecture devient accessible aux jeunes qui n'auraient pas eu la patience de suivre simplement les mots. L'humour et l'ironie de Grazia Nidasio rencontrent avec un bonheur non dissimulé ceux de Calvino et ceux de l'Arioste.

 

Notez que les reproductions que j'ai trouvées pour illustrer cet article ne rendent absolument pas justice à l'art de Grazia Nidasio. Le volume mesure 15,2 x 23,4 cm, ce qui est un beau format pour les images, mais les photos reproduites gomment la richesse de la technique mixte qu'elle emploie la plupart du temps.

LES CLASSIQUES - 1 -1: L'ARIOSTE ET LE ROLAND FURIEUX, trois auteurs et deux illustratrices

 Sur la revue en ligne Arabeschi, sur le numéro 3 de janvier à juin 2014, Giorgio Bacci fait parler Grazia Nidasio de son métier d'illustratrice, et c'est tout à fait passionnant - pardon une fois encore pour les non-italianistes - Grazia Nidasio  raconte, elle aussi, comment elle s'est replongée, par un été pluvieux, dans le Roland Furieux raconté par Calvino. Elle partage complètement sa lecture, elle l'explicite. 

Puis elle parle de son travail d'illustration, des références qui lui sont venues, de la frustration qu'elle a ressentie à ne pas  voir publiés tous ses dessins - impératifs éditoriaux obligent - de son espoir de continuer ce travail sur le Roland Furieux....

Pourtant, je trouve ce livre richement illustré: deux illustrations en couleurs, pleine page, en moyenne, par chapitre; de plus petites, insérées dans une page. Plus d'incroyables petits dessins au crayon,  dans les marges -"des notes, des anecdotes visuelles, comme faites pendant le cours par un élève distrait" , dit-elle -  qui animent la lecture de façon directe, très juste et très drôle. Tantôt, c'est Calvino, commodément installé dans un arbre - comme son héros Cosimo, le Baron Perché - , tout pris par sa lecture. Tantôt un petit motif, poisson, oiseau, main de chevalier, saynète, un vrai régal.

 Bienheureux ceux qui, en mars 2012, à Bologne d'abord, puis à Ferrare, ville natale du poète, ont pu voir, dans la maison - la casa di Ariosto - où il a vécu la dernière partie de sa vie, les originaux des illustrations que nous venons d'évoquer.

Quel Institut Culturel nous les donnera à voir en France?

      

 

 

Cette édition chez Mondadori, cartonnée, avec une jacquette, avec ses 408 pages illustrées, est destinée, selon l'éditeur aux "10 à 14 ans": encore un cas où l'indication de tranche d'âge n'est pas pertinente. C'est un livre pour les adultes autant que pour les jeunes, je dirais à partir de 12 ans. Chacun pourra en faire son miel.

Et, en conclusion, la parole est à Calvino:  «Il Furioso è un libro unico nel suo genere e può essere letto senza fare riferimento a nessun altro libro precedente o seguente: è un universo a sè,  in cui si può viaggiare in lungo e in largo, entrare, uscire, perdercisi. Ariosto sembra un poeta limpido, ilare e senza problemi, eppure resta misterioso: nella sua ostinata maestria a costruire ottave su ottave sembra occupato soprattutto a nascondere se stesso" - "Le Furieux est un livre unique en son genre, et on peut le lire sans se référer à aucun autre livre qui le précède ou le suive: c'est un univers en soi, où l'on peut voyager en long et en large, entrer, sortir, s'y perdre. Arioste semble être un poète limpide, hilare et sans problèmes, et pourtant il reste mystérieux: dans la maîtrise obstinée qu'il met à construire ses huitains l'un après l'autre, il semble surtout occupé à se cacher lui-même".

ORLANDO FURIOSO, di LUDOVICO ARIOSTO,

raccontato da Italo CALVINO e illustrato da GRAZIA NIDASIO

 

Mondadori, 2009  -  408 pages -  ISBN 978880459387 - 26 €

Il existe une édition de poche:

ORLANDO FURIOSO, di LUDOVICO ARIOSTO,

raccontato da Italo CALVINO e illustrato da GRAZIA NIDASIO

Mondadori 2012 - collection Oscar Junior - broché, couverture souple  - 428 pages - 12 €

 

 

Le prochain article vous présentera un album récent sur le Roland Furieux,

pour les plus jeunes cette fois :

"ORLANDO PAZZO NEL MAGICO PALAZZO".

A bientôt!

 

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