19 Janvier 2023
C'est presque devenu un rituel sur Lectures Italiennes, au mois de janvier: LE NOUVEL ATLAS, chez l'éditeur Giralangolo.
Vous vous rappelez sans doute du premier, en 2020 , sur l’œuvre de Salgàri,
puis les lieux imaginés en 2021,
et en 2022, les voyages extraordinaires chez Jules Verne.
Cette nouvelle livraison du duo ROVEDA-PACI emmène les membres du CÌRCOLO DEI VIAGGIATORI E DEGLI ESPLORATORI, toujours de par le monde (mappemonde à l'appui dès les premières pages), voir "des palais, des châteaux, des cabanes, des villas, des chalets... où il n'y a plus qu'à frapper et à risquer un œil", comme l'indique la quatrième de couverture. Nous entrons dans l'ATLAS DES DEMEURES SURPRENANTES ET FABULEUSES, MAISONS, CHÂTEAUX et PALAIS dans les grandes histoires.
La porte où frapper est déjà sur la couverture, au-dessus d'une composition de cinq de ces "demeures" qui ouvrent la voie à tout l'imaginaire, l'adjectif "fantàstico" (dimore... fantàstiche...) ayant précisément ce sens, "né de la fantasìa", de l'imagination. La construction de l'Atlas même est du domaine de la "fantasìa", la succession des étapes du voyage de demeure en demeure, de continent en continent n'obéissant à aucune règle rationnelle (semble-t-il...). Pas d'ordre chronologique, pas d'ordre géographique. Comme pour les atlas précédents, la lectrice, le lecteur feuillette, s'arrête au gré de sa curiosité ou d'associations qui lui appartiennent en propre.
La variété de la succession, déjà, est séduisante: après la cabane de Tarzan, au cœur de l'Afrique,
voici le salon feutré de Sherlock Holmes en plein Londres (avec l'adresse, pour un pèlerinage...). Pour sauter de nouveau, à la page suivante, dans la campagne anglaise, verte à souhait, qui abrite les trois "maisons" des trois petits cochons...
Autre exemple: passer, en un tourne-page, du salon florentin bourgeois et très fermé, où Gian Burrasca (le "fripon", "Giannino furioso" dans l'une des deux traductions françaises) épie, de derrière le piano, la cour que fait à sa sœur Luisa le Dottor Collalto - autant dire " Monsieur Collet Monté" - ...
... passer de là à l'espace verdoyant de la pelouse anglaise, dans l'anse de la rivière, avec sa superbe demeure de briques rouges où habite Le Crapaud, celui du Vent dans les Saules... quel saut!
Pour, à la page suivante encore, nous retrouver en pleine jungle indienne, devant une mystérieuse pagode, en compagnie de Tremal-Naïk, l'un des protagonistes-clef des aventures exotiques de Sandokan...
Puis, juste après, ce n'est plus la jungle qui intrigue et effraie lectrices comme lecteurs, c'est la nuit noire où il faut que Poil de Carotte aille fermer seul le poulailler, sur ordre de sa mère ...
Ce ne sont là que quelques exemples des dix-huit demeures suggérées...
Toute l'énergie qui se dégage des pages de l'Atlante delle Dimore Inconsuete e fantastiche est comme matérialisée dans la couleur orange de la reliure du dos et des pages de garde, d'introduction et de dédicace qui encadrent l'album: dédicace sobre et collective: "Agli amori e alle tribù, a chi coltiva pace, curiosità e passione" - Aux amours et aux tribus, à celles et ceux qui cultivent la paix, la curiosité et la passion".
Comme dans les Atlas précédents, le lien entre texte et image est très étroit, et pertinent. Que la lectrice, le lecteur, ("à partir de sept ans") soit déjà indépendant, ou qu'il partage l'album avec un adulte, il appréciera les deux types de stimuli: soit il arrivera devant la demeure en question, et commencera à en imaginer l'intérieur, aidé par le texte et l'image. Par exemple pour la demeure du Crapaud, ci-dessus.
Ou bien ce sera l'inverse: la richesse de l'image mènera tout de suite à son exploration, le texte venant ensuite donner un sens à ce foisonnement. C'est particulièrement vrai pour la maison de Pippi Calzelunghe, l'héroïne imaginée par Astrid Lindgren - appelée en France Fifi Brindacier.
Quand on arrive à la double page qui lui est consacrée, il y a, comme d’habitude, le texte (court, six lignes) sur la page de gauche, et un gros plan de la maison, "Villa Villacolle", vue de la rue, sur la page de droite. Abondance de détails, d'emblée. De quoi faire moult hypothèses au cas où l'on ne connaîtrait pas encore notre Fifi.
Mais, surprise attendue par les habitués de l'Atlante, c'est ici que se place l'une des trois somptueuses doubles-pages qui se révèlent sous la page de droite: en dépliant encore à droite la vue extérieure...
... on se retrouve à l'intérieur de la folle maison, dans un panorama où l'espace doublé permet à l'illustrateur de se laisser aller. Pour le plus grand plaisir de lecteurs et lectrices, qui n'en reviennent pas de la variété et de l'exotisme de cette "cuisine" dans laquelle l'héroïne s'en donne à cœur joie. Quand on referme le rabat, on apprécie mieux les détails farfelus de l'extérieur, et curieuses et curieux cherchent des explications dans le texte cité.
C'est encore une protagoniste féminine, tout aussi célèbre que la précédente, bien que très différente, qui fera entrer voyageuses et voyageurs au Pays des Merveilles, dans la maison du Lapin Blanc, comme vous l'avez compris. Le texte, ici, raconte l'épisode, et satisfait la légitime curiosité de qui n'a pas encore rencontré Alice, ou le plaisir de retrouver les détails d'épisodes connus et aimés.
En trois pages d'introduction, le curateur de la collection, Anselmo ROVEDA, explicite pour ses lecteurs, petits et grands, le sens de ce nouvel ouvrage, en quelque sorte la façon dont il a travaillé - et nous y ajouterons la qualité des traductions, celles qu'il a reprises comme celles qu'il a réalisées lui-même -, tout en encourageant chacune et chacun à constituer son atlas personnel. Sauf qu'il manquera alors le toujours remarquable travail de Marco PACI qui, d'album en album, en jouant sur les illustrations pleine-page mais aussi sur les croquis d'étude, crée tout un univers de fantasìa dont on ne se lasse pas, à tout âge...
Enfin, le soin de la réalisation, la rigueur des instruments "pédagogiques" - nouvelle définition des "classiques" choisie parmi celles d'Italo CALVINO, mappemonde déjà nommée, précisions bibliographiques sur les œuvres citées, notices biographiques des auteurs, en fin de livre, tous ces aspects font de ce nouvel album un magnifique "instrument de rêve" et de découvertes, autant à sa place sur des rayonnages personnels que dans une classe ou une bibliothèque.
Afin que personne n'oublie que c'est avant tout une histoire de livres, celui-ci s'ouvre sur la belle citation de la première chute d'Alice dans le "puits-bibliothèque", dessin au trait, suggestif de Marco PACI, et se referme sur l'incroyable bibliothèque du Capitaine Nemo, à bord du Nautilus, le mot de la fin étant:
"Non potevo crèdere ai miei occhi"
"Je n'en croyais pas mes yeux".
ATLANTE DELLE DIMORE INCONSUETE E FANTASTICHE
a cura di Anselmo ROVEDA, illustrazioni Marco PACI,
Editions EDT GIRALANGOLO, collection Picture Books
Album relié, 59 pages, 20,5 x 30 cm, 20,00€
Paru en octobre 2022
à partir de 7 ans EAN: 9788859280347
Une fois encore, grand merci à GIRALANGOLO, à travers Raffaella, pour les images .
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