29 Janvier 2021
Ce pourrait être le début d'une collection..." - Tu sais, j'ai un nouvel Atlas, c'est la Befana qui me l'a apporté!" - "Ah oui? De quelle couleur?" -" Bleu océan..." - "Ils pourraient un faire un jaune bouton d'or aussi!" - "Pourquoi pas un vert émeraude...?" (rires)
Vous n’avez pas oublié l'Atlas présenté ici il y a un an? Soit dit en passant, il s'est vu attribuer, ce 23 octobre 2020, Le PREMIO RODARI PER GLI ALBI ILLUSTRATI au cours du FESTIVAL GIANNI RODARI qui se tient chaque année à Omegna, sa ville natale
Pour cette nouvelle année, les éditions GIRALÀNGOLO (nom qui signifie "tourne le coin", ne l'oubliez pas) nous en offrent un second, frère pas tout à fait jumeau du premier: toujours une réalisation de l'équipe ROVEDA-PACI.
Il s'agit, cette fois, de l'ATLAS DES LIEUX IMAGINéS - VILLES, ÎLES, et PAYS des GRANDES HISTOIRES.
Que sont ces "grandes histoires"? Ce sont seize romans pour la jeunesse devenus des classiques, qui ont été choisis par Anselmo ROVEDA comme témoins de la naissance de la littérature de jeunesse à proprement parler, sur un arc de presque cent ans, de 1844 à 1943. Seize titres qui ont marqué, dès leur parution, des générations de lectrices et lecteurs. Aussi bien Les aventures de Tom Sawyer que Les Quatre Filles du docteur March, Les Trois Mousquetaires que Le Petit Prince, David Copperfield que Le Vent dans les Saules, Les Garçons de la rue Paul que Le Magicien d'Oz, pour ne donner que quelques exemples.
L'ouvrage est placé sous l'égide, classiques obligent, d'Italo Calvino et je ne résiste pas au plaisir de vous donner cette citation, car elle est très pertinente pour cet Atlas : " On appelle classiques les livres qui constituent une richesse pour qui les a lus et aimés; mais qui constituent une richesse tout aussi grande pour qui se réserve la chance de les lire pour la première fois dans les meilleures conditions pour les déguster ("gustare", c'est "apprécier", mais avec une note de gourmandise...)". Il s'agit donc soit de faire retrouver le plaisir de la première lecture, plus ou moins lointaine, soit de susciter l'envie de cette première lecture.
À travers les lieux de ces histoires. Vous avez bien remarqué que ce sont des luoghi immaginati, des lieux imaginés, participe passé d'un verbe d'action. Ils sont doublement, et même triplement imaginés: d'abord par l'auteur, qui à son tour les fait imaginer à sa lectrice et son lecteur - quel que soit leur âge...-, mais aussi à l'illustrateur, qui, également, par l'image imaginée (pardon!) et réalisée, va remettre en route l'imagination des mêmes lecteurs.
En faisant ce choix de seize romans, Anselmo Roveda s'est attelé à une tâche redoutable, d'une certaine façon: on lui reprochera toujours celui qu'il n'aura pas inclus. Il vous répondra que, pour les autres, on peut toujours imaginer, à l'avenir.... Dans l'immédiat, il a composé avec l'importance historique et poétique du titre choisi, et, aussi, bien sûr, ses préférences personnelles. Chacun de nous, adultes, peut compter combien de ces seize ouvrages il a lu, ou pas.
Deuxième gageure, une fois le titre choisi, quel extrait en citer, autour de quel lieu? Un passage dont la qualité de la langue soit représentative de l'ensemble de l'ouvrage, et sensible même sur cet "échantillon", et le lieu particulièrement stimulant.
Vous avez sans doute reconnu, dans l'illustration ci-dessus, la découverte de l'Atlantide par le scientifique prisonnier du Capitaine Nemo, dans Vingt mille lieux sous les mers.
Moins immédiatement reconnaissable, dans l'autre dimension de l'espace, au milieu d'une pluie d'astéroïdes traversée par des vols d'oiseaux sauvages et... un avion, le petit blond à l'écharpe qui balaie sa minuscule planète B 612 avant de la quitter évoque très vite Le Petit Prince.
À la paisible géométrie du comté de Scanie que découvre Nils Holgersson emporté sur le dos du jars Marten ...
... s'oppose l'inquiétante tranquillité de la rade de l'Île au Trésor, avec sa végétation "qui affichait une sorte de splendeur délétère".
Le choix de la destination de ce voyage littéraire pourra répondre à deux stratégies:
- commencer par examiner le planisphère qui ouvre le volume, et choisir les lieux, référés de façon claire ("New England, chez les March", ou encore "Paris, la ville des mousquetaires") ou un peu plus énigmatique (" St Petersburg le long du Mississippi" ou bien " Bois sauvage, sur les rives de la Tamise"). Si "l'astéroïde B 612" est bien présent, "en orbite quelque part", le Nautilus est absent du planisphère. Ce sera la surprise, en adoptant la deuxième stratégie:
- ouvrir l'album et se laisser happer par les illustrations, "Tra realtà e fantasia", "entre réalité et imagination", ( est-il besoin de traduire? ), comme l'indique un sous-titre, après le sommaire, puis l'introduction éclairante de Anselmo Roveda, avant de plonger dans les extraits. Le principe de la succession de ces textes n'est pas clair, mais doit-il l'être? On semble avoir privilégié la variété et l'imprévu à chaque tourne-page. De l'espace vaste et verdoyant des bords du Mississippi à la menaçante forêt dans la neige où sont perdus, silhouettes minuscules, Monsieur Rat et Monsieur Taupe. Pour passer ensuite directement, en gros plan, au thé surréaliste d'Alice à la table du Chapelier et du Lièvre de Mars.
L'illustrateur, Marco Paci, quand on l'interroge sur la différence de travail entre l'Atlas salgarien et celui-ci, souligne que la grande variété des textes lui a permis d'utiliser une grande variété de techniques: autant les traditionnelles gouaches et aquarelles, que les dessins à l'encre de Chine coloriés numériquement ( l'épisode du Pays des Jouets de Pinocchio); mais aussi, pour le texte tiré de Jardin Secret de F.Hodgson Burnett, des feutres de couleur à pointe fine, créant une atmosphère très onirique; ou un mélange de toutes ces techniques.
Dans une présentation de l'album qui a eu lieu ( virtuellement) le 10 décembre 2020 à partir de la librairie abruzzaise AlÌ Babook, (en liaison avec cinq autres librairies de jeunesse disséminées dans toute l'Italie), vous pouvez écouter l'auteur et l'illustrateur parler de leur travail. Tout en réalisant une illustration que vous identifierez sans peine, Marco Paci souligne combien il est à la fois stimulant et frustrant : il n'a droit qu'à une image par livre, il faut qu'il y mette toute sa quintessence, et il a à peine terminé qu'il faut passer à un autre, complètement différent. C'est cette tension qui donne une telle vitalité à l'Atlante dei luoghi immaginati.
J'ajouterai juste, avant de vous laisser découvrir tout ce dont il n'est pas question dans ces lignes, que les éditions Giralangolo ont fait un beau cadeau à leurs lectrices et lecteurs, en incluant trois illustrations panoramiques dans le volume: l'une est le paysage sous-marin ci-dessus, qui se révèle quand on déplie une apparition du Nautilus à la surface de l'Océan. Les deux autres sont respectivement la tanière de Monsieur Blaireau, du Vent dans les saules, et l'intérieur de la maison du Docteur March. Elles ont en commun la neige, tombée dans les bois "sauvages", et en train de tomber sur les grands arbres qui entourent la petite maison March. Quand on déplie la page (de droite) , on se retrouve dans deux endroits admirablement réchauffés par un grand feu généreux. Voyez- plutôt:
C'est presque "le tour du monde en 66 pages". Et de la lecture en réserve (dans toutes les bonnes médiathèques qui, d'une façon ou d'une autre, continuent à prêter) pour ce confinement pas encore achevé. "De 7 à 107 ans", dit, cette fois, la notice.
P.S. Vous aurez deviné que, à part les trois images panoramiques, les autres illustrations sont la double page réservée à chaque roman, le texte venant se loger dans la partie vide de la page de gauche.
Atlante dei luoghi immaginati. Città, isole e paesi delle grandi storie
de Anselmo Roveda, illustré par Marco Paci
Editeur:EDT Collection: Giralangolo
Sortie Italie: 19 novembre 2020
Format: 30 x 20,50 cm 66 pages Relié
ISBN: 9788859273271 19,50 €
MERCI
à GIRALANGOLO
pour les IMAGES
ici reproduites.
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