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ET LES ENFANTS?.... e i bambini? Réflexion, depuis Bergame, de Giusi QUARENGHI

         La plupart d'entre vous connaissent déjà Giusi QUARENGHI.  Vous pouvez entrer son nom dans le cartouche de recherche, tout en haut de cette page, et vous retrouverez tous les articles qui lui ont été consacrés sur Lectures Italiennes.

          Giusi QUARENGHI vit à Bergame, ville, vous le savez, tout particulièrement touchée par la pandémie qui ravage le monde, et en particulier l'Italie, puis la France. Elle a confié au blog de son éditeur (que vous connaissez aussi, "les souris qui peignent", TOPIPITTORI) des réflexions sur ces jours très particuliers que nous vivons, et la place qui y est réservée (ou pas) aux enfants. Il m'a semblé important de vous les donner à lire, dans Lectures Italiennes, les voilà donc traduites pour vous.

DEPUIS BERGAME        de Giusi QUARENGHI 

Un jour après l’autre, et à chaque jour son rythme. C’est ainsi que l’on fait, quand les jours sont difficiles et incertains, quand on ne sait pas. Un « on ne sait pas » que l’on espère restreindre, un jour après l’autre, grâce à ce que nous enseigne, même un peu,  chaque jour franchi, chaque portion de route parcourue. La tête basse, et regarder où l’on met les pieds. Même immobile. Parce que l’on se déplace de toute façon, même immobile.  La tête se déplace, le cœur, l’anxiété se déplacent.

Mais à un certain moment, impossible de ne pas lever les yeux : notre souffle se fait plus ample, il fait comprendre, ou au moins supposer l’endroit où nous sommes, et où nous allons, ce qu’il y a tout autour, et qui il y a… ça peut créer de l’angoisse et de la terreur, mais aussi construire du sens, un horizon vers lequel tendre, ou à éviter.

Tels sont les jours, et ils sont comme ça, pensais-je ce matin. Non ne savons pas combien il y en aura encore. Mais ils passeront, ils passeront. Alors faisons front, nous sommes en train de le faire, comme nous le pouvons, chacun comme il peut, que l’on soit une personne ou une institution. Chacun comme il peut, le mieux qu’il peut. Et après ?

Cette période nous changera, elle nous change déjà : que l’on soit une personne ou une institution, probablement nous verrons émerger des éléments qui nous pousseront plus à un changement qu’à une reprise du même, une simple reprise automatique de l’avant, comme s’il ne s’était agi que d’une pause quelconque.

Peut-être que cette entrave à la proximité, qui maintenant nous pèse, ne disparaîtra pas, qu’elle s’annulera dans la fête, la joie de se retrouver tout près et de pouvoir se serrer dans les bras. Peut-être restera-t-il des craintes, des précautions, des prudences, des méfiances…et que se rapprocher ne sera plus si évident, si facile, si désirable…

Alors, en cette période d’une certaine façon ajoutée, dilatée, distendue, pourquoi ne pas essayer de se mettre à la fenêtre pour un ping-pong de pensées, d’hypothèses, d’exploration du possible… pour un après qui ne reprendra probablement pas juste comme avant.

Dans ma ville, c’est un printemps de deuil. Elle a l’allure affligeante, muette et désolée de la procession des morts qu’emportent les camions militaires ; les années précédentes, elle avait le pas et les voix qui gambadaient d’innombrables enfants et de jeunes en sortie scolaire, de petits des crèches et des écoles maternelles en promenade.

Il ne faut plus le faire, et on ne le fait plus. C’est juste, c’est nécessaire. Mais.

Les chiens et les sportifs (on n’en a jamais tant vus !!) ont le droit de sortir. E les enfants ?

Dessin d'Anais TONELLI pour ASCOLTA de G.Q.

 

Je ne suis évidemment pas en train de réclamer un droit de sortie générique pour les enfants qui, en plus, sont accompagnés. Non, je voudrais que nous nous posions le problème, avec tout ce que nous sommes capables d’imaginer de différent.

Ces semaines-ci ont passé. Mais celles qui  vont s’ajouter? Il faut assumer cette durée, et, autant que possible, en dessiner au moins quelques traits : ne nous contentons pas de laisser la pluie nous mouiller. Télécharger des devoirs, nourrir les enfants de vidéos pendant des heures et des heures, même des choses juste merveilleuses, instructives, amusantes, utiles, intéressantes, éducatives, je crois que c’est néfaste.

Ce virus a l’air d’épargner les enfants: ce n'est pas par bonté, mais parce que, comme l’a dit l’immunologue Alberto Mantovani, leur système immunitaire est bien entraîné par les rendez-vous avec le calendrier de vaccination (et j’insiste : grâce aux vaccins !).

Pouvons-nous imaginer quelque chose de de semblable, une sorte d’entraînement, qui les protège et les fortifie dans le même temps ?

La ‘maison’, à la longue, ne peut pas suffire : et puis elle n’est pas ‘pareille’, dans le sens que pas toujours et pas partout elle n’est en condition de respecter les droits des enfants.

Que pouvons-nous penser pour que ce temps laisse une marque, et pas une blessure, apporte quelque chose tout en enlevant autre chose, y compris une sorte de familiarité aimable avec le vide, le peu, le moins, le plus jamais… ? Comment ne pas perdre l’entraînement, comment courir dans un espace restreint et un temps si long, comment ne pas perdre les proximités dans les éloignements ?

Il ne doit pas y avoir que les parents, les institutrices et les psychologues à y penser, à s’en faire un devoir, une responsabilité. J’ai envie de dire plutôt que ça nous concerne, ça nous concerne en tant qu’espèce. Et ça concerne tout un tas de compétences différentes, et des sensibilités, des attentions, des capacités d’imagination et d’organisation.

Comment ne pas ‘immobiliser’ les enfants ?

Ne peut-on pas retrouver les cours intérieures, en aménageant le quand et le comment ? Est-ce que ça peut fonctionner pour certaines places et parvis d’églises ? Peut-on penser des jeux, des activités sportives, et théâtrales, dans des espaces (de la fenêtre de chez soi au parc ‘aménagé’) où la distance fasse partie du jeu, de l’exercice, de la dramaturgie, et donc, en conséquence, la voix, les mouvements, les actions… ?

Est-il pensable d’ouvrir les écoles ‘ par périodes’ : pas tous ensemble, mais quelques classes à la fois, en inaugurant et en pratiquant les distances et les protections sans que ce soient  encore, toujours des punitions et des complications ?

Pensons, imaginons.

Je ne parle pas tellement du maintenant, alors que nous sommes dans la phase la plus aigüe, pour le temps qu’elle durera, en espérant qu’il ne soit pas trop long.

Je parle d’après : laisser derrière soi la phase aigüe, avec tout ce que cela implique, ne sera ni facile, ni rapide, et non ne savons pas à quoi ressemblera la ‘normalité’ qui redeviendra possible.

Je ne sais pas, je ne sais pas. Mais ne pas savoir ne me suffit pas.  C’est une raison, un 'quia',  dont je ne peux me contenter.

                                                                                                                       20 mars 2020

"E sulle case il cielo", poésies de G.Q., Topipittori

 

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